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Parlons de la valeur prudente !

Le parlement européen a révisé en avril 2024 le règlement sur les exigences en matière de fonds propres : en quoi l’expertise en évaluation immobilière est-elle concernée ?

Depuis la crise financière de 2008, l’Union européenne s’est dotée d’outils pour tenter de prévenir toute nouvelle crise et veille à ce que le système bancaire européen soit sous contrôle. Le financement immobilier fait partie des risques potentiels, le souvenir de la crise des subprimes restant intact. En 2014, la directive crédit fut un premier jalon en imposant aux banques de procéder à des évaluations régulières pour les biens financés. Il s’agissait alors de déterminer une valeur vénale. C’est précisément ce point qui est remis en cause par le Parlement puisqu’en avril dernier, celui-ci a modifié l’article 229 du CRR (Capital Requirements Regulation, règlement sur les exigences en matière de fonds propres) pour imposer aux experts de retenir désormais la notion de « valeur prudente ».

 

Pourquoi ce changement de doctrine ?

La valeur vénale que vous déterminez est, par définition, périssable : vous évaluez un bien à une date précise. Pour autant, cette valeur est difficilement pertinente tout au long d’un prêt. La valeur de 2024 ne sera pas celle de 2026 ou de 2030, et ainsi de suite.

En haut de cycle, la valeur d’un bien, qui est appelé à être financé, s’appuie sur des prix de cessions élevés. Cela ne garantit nullement qu’en cas de défaillance du débiteur, la banque pourra retrouver le même niveau de prix, tout au contraire. Le risque est ainsi insuffisamment pris en compte, et pourtant c’est bien cette valeur qui sert de repère et expose les établissements bancaires.

Le Covid et les incertitudes géopolitiques ont malmené les économies et ont eu des répercussions sur les marchés immobiliers. Les autorités européennes demandent désormais aux experts de retraiter leurs valeurs en haut de cycle et d’adopter une démarche prudente, en privilégiant la valeur prudente pour mieux refléter ces risques.

 

Comment dans les faits les experts vont « ajuster » leurs valeurs ?

C’est un peu l’angle mort du sujet car, si l’on peut être en phase avec les autorités, il faut interpréter les nouvelles dispositions, d’autant que nos organisations professionnelles ne sont pas toutes d’accord.

Dans les faits, et sans rentrer dans le détail, l’article 229 dispose de ne pas envisager d’augmentation de prix au-delà de la date d’évaluation. Parmi les interprétations possibles, et c’est en cela que réside la prudence, nous recommandons, pour les biens qui se trouvent en haut de cycle, de se rapprocher des valeurs moyennes sur la période retenue. Dit autrement : valeur basse quand le marché est haut.

Les changements d’usage demandés pour créer de la valeur, les projections envisagées dans les DCF sur des hypothèses non démontrables, nous paraissent devoir être exclues dans l’esprit de cette révision d’article.

 

Qu’en est-il des aspects environnementaux ? L’ajustement ne tiendra-t-il compte que du cycle dans lequel on se trouve ?

Non, et c’est un autre sous-texte du règlement. Non seulement une valeur en haut de cycle expose la banque, mais la non ou mauvaise intégration des aspects environnementaux et durables dans les évaluations compromet leur fiabilité.

Comme vous le savez, Evalium s’est imposé comme le chef de file des sociétés d’expertise en matière d’approche durable. Nous plaidons depuis plusieurs années pour répercuter les critères environnementaux dans nos valeurs. C’est un domaine sur lequel nous sommes à l’aise et qui répond aux orientations des autorités européennes.

Le « retraitement » doit ainsi prendre en compte la durabilité au moment de l’évaluation, mais également comment celle-ci pourra affecter, durant le prêt, la valeur du bien dans un marché de plus en plus contraint, réglementairement et climatiquement.

Enfin, il faudra mettre en perspective les fondamentaux de tel ou tel marché catégoriel. Si on prend l’exemple du bureau, l’ajustement est d’autant plus nécessaire dans un contexte de suroffre, de décret tertiaire et des nouveaux modes de travail. Dès lors, résumer la valeur prudente à une simple baisse automatique serait plus que réducteur.

 

A partir de quel moment Evalium sera en mesure d’appliquer cette nouvelle donne ?

Nos équipes sont déjà prêtes et nous prenons actuellement contact avec nos clients bancaires pour les informer de cette révision de règlement, et surtout leur expliquer le mode opératoire, qui pourra évoluer en fonction des consignes données par nos organisations professionnelles.