L’encadrement des loyers : la valeur locative de marché n’existe plus pour 4 millions d’habitants
L’encadrement des loyers résidentiels a sonné le glas de la bonne vieille valeur locative de marché, résultant de l’offre et de la demande.
La VLM est enterrée, vive la VLE (valeur locative encadrée) !
Avec une trentaine de villes dites tendues (Paris, Lyon, Villeurbanne, Bordeaux, Lille, Saint-Denis, etc.) cette marche forcée concerne désormais plusieurs millions de personnes.
Quelques resserrements sont par ailleurs intervenus au cours des dernières semaines. La mairie de Paris tout d’abord qui a obtenu la compétence de contrôler et de sanctionner les bailleurs qui ne respecteraient pas la loi. Avec déjà 150 signalements obtenus depuis janvier (l’équivalent de 3 ans), les mises en demeure se multiplient et les services hidalgiens se délectent de chaque prise de guerre… On estime en effet que 30 % environ des bailleurs n’appliqueraient pas l’encadrement.
Par la contagion ensuite à d’autres villes puisque Marseille, Annemasse, Grenoble, Cergy ainsi que les intercommunalités du Pays basque et de Grand-Orly Seine Bièvre sont sur les rangs pour rejoindre la liste des villes « encadrées ».
C’est dire que progressivement l’ensemble des zones sous tension risque de glisser sous administration locale en matière de loyer.
Parmi les angles morts souvent mal compris des bailleurs figure la remise en location de leur bien dont le loyer proposé ne peut être supérieur à celui antérieurement pratiqué (si ce dernier a été occupé pendant 18 mois et sauf travaux réalisés). Dès lors si votre appartement était loué à un niveau inférieur à la VLE, guère de possibilités s’offrent à vous pour louer plus cher. Sauf à laisser 18 mois vacants votre logement pour revenir à cette valeur. Dissuasif.
Dans l’hypothèse où les loyers pratiqués ne respectent pas la VLE le bailleur est tenu de rembourser le trop-perçu et peut se voir infliger une amende de 5 000 € pour un bailleur physique, 15 000 € pour un bailleur moral.
En matière d’évaluation de biens loués l’expert doit lui aussi changer de position : les états locatifs doivent être décortiqués à partir d’une analyse relevant presque du ligne à ligne pour des entiers immeubles. Date d’entrée dans les locaux, décalage avec les loyers encadrés, date de renouvellement, travaux, révision indiciaire appliquée, bref quel est le risque locatif pour chaque logement, combien de temps un « surloyer » peut-il durer et profiter au bailleur ? Cela vaut aussi pour les comparables à l’unité en terme de taux de rendement. Recourir à des exemples de biens vendus loués à des loyers largement supérieurs à la VLE, générant ainsi des taux de rendement trop élevés trompent l’expert si ce dernier ne retraite pas ce sujet.
C’est donc une nouvelle ère qui s’ouvre. A Paris la stricte application d’un loyer encadré, minoré ou de référence aboutit, sur la base d’une valeur vénale élevée, à des taux de rendement très faibles voire négatifs. Pour cette raison les abattements pour occupation doivent revenir d’actualité pour traduire ce changement de paradigme. Ironie du sort, le mouvement de balancier revient après une quasi-disparition entre valeur « bloc » et valeur au lot par lot c’est le retour de la décote qui se profile. Sur fond de renchérissement du crédit, des étiquettes DPE condamnant les passoires énergétiques et d’un OAT à 3 %, la généralisation de l’encadrement des loyers a pour but presque avoué l’encadrement des valeurs. En oubliant que le rendement n’est pas que locatif…