Étude Immostat sur le marché de bureau francilien 2022, les experts doivent-ils s’y fier ?
Immostat ou stats immo ?
C’est désormais une tradition digne de de la galette des rois, Immostat publie les incontournables chiffres du marché de bureau francilien.
Ce GIE regroupe les 4 majors du brokerage parisien, il faut saluer leur effort permanent de publier une série d’indicateurs qui fixent le paysage immobilier. C’est une initiative privée qui repose sur le recueil de données de ces acteurs mais aussi sur des estimations.
Pour l’expert la tentation peut être grande d’absorber cette matière comme une éponge absorbe l’eau. Il y a toutefois quelques bornes à planter. C’est le jeu, les commentaires des brokers sont souvent orientés « bailleurs » : avec une nouvelle marotte depuis quelques années, quand les chiffres ne sont pas toujours favorables l’histoire récente vient à la rescousse. Prenons alors du recul en regardant sur 5, 10 ou même 20 ans et le lecteur s’en trouvera rassuré. Autre borne, méthodologique, les transactions inférieures à 4 millions d’euros ne sont pas intégrées. L’offre immédiate est quant à elle évaluée. Si ces majors pèsent lourdement dans le monde de la transaction il ne faut pas oublier les concurrents, nombreux, sans parler de réseaux d’agents immobiliers qui s’immiscent timidement. Ce sont autant de comparables qui échappent à Immostat (notamment les petites surfaces). Enfin, tout ne passe pas par l’intermédiation.
Bonne année pour le marché de bureau 2022 ?
Passons aux choses sérieuses. La demande placée francilienne a atteint selon Immostat 2 107 000 m². Est-ce un « bon » chiffre, comment l’interpréter ? C’est un peu mieux que 2021, bien mieux qu’en 2020. Un niveau très inférieur à 2019, 2018, 2017 (2, 4 à 2,650 millions de m²). Il y a deux années en une, un S1 très favorable et un S2 décevant avec un T3 en-dessous du T2 2022 et un T4 2022 en retrait du T4 2021 (-10%). La moitié du gain enregistré en 2022 s’explique par le secteur hors Paris Centre Ouest (secteur dit « reste de Paris » avec + 125 000 m² en 2022). Paris Centre Ouest demeure assez stable loin des annonces triomphales exprimées en 2022 : 572 000 m² en 2021, 606 000 m² en 2022 (soit + 6%). Croissant Ouest et la Défense stables. La 1ère couronne a connu une progression plus forte (265 à 300 000 m² en 2022 soit +13 %). La 2 è couronne régresse de 10 %, refluant de 220 000 à 200 000 m².
Il y a bien eu une césure au S2 avec des marques d’essoufflement du marché.
2023 : ça se complique
Autre signe plus inquiétant : le niveau des investissements franciliens qui ne retrouvent pas les chiffres d’avant-covid. Avec 15 milliards investis en 2022 c’est moins qu’en 2021, en 2020 (19 milliards !) ou 2019 (28 milliards). Le recul du segment « bureau » dans les allocations d’actifs explique en partie ce phénomène.
La fin 2022 annonce un marché qui se contracte, par les volumes mais aussi par les prix, avec des baisses entre 3 à 7 % au niveau francilien avec une remontée des taux de rendement. Plus préoccupante est l’offre qui fait un bond de 7 % et représente plus de deux fois la demande placée.
Notre avis :
Les chiffres Immostat sont semblables aux chiffres du ministère de l’Intérieur, pas forcément fiables à 100 % mais ils reflètent une tendance. Celle d’un marché de bureau qui avait repris de la vigueur mais qui s’est retrouvé face aux murs de l’inflation, de la crise ukrainienne et du risque de récession annoncée. Pour consommer du bureau il faut avoir des besoins, pour avoir des besoins une activité qui croit. Le tout dans un paradigme qui se partage entre bureaux physiques, télétravail, coworking et tiers lieux. L’expert doit donc à la fois tenir compte de ces chiffres mais aussi s’en écarter en comprenant qu’hormis des actifs très sécurisés, « prime », en un mot « core » les investisseurs jettent leur regard sur d’autres classes d’actifs tandis que les entreprises n’en finissent pas de chercher la ou les solutions à leurs sujets immobiliers. En rationalisant.